Louise de Vilmorin, écrivain du XXème siècle, nous conte dans son livre, l’histoire de Madame de femme séduisante, intelligente et admirée de tous, mais frivole. Elle connait alors des difficultés d’argent. Décidant de ne rien dire à son mari aimant, elle vend des boucles d’oreilles à son joaillier, cadeau fait par son époux au lendemain de leur mariage.
Très vite, elle ment à son entourage et simule un vol.
S’enchaine alors dans ce livre des mensonges, des obstacles autour d’un objet central … ces boucles d’oreilles.
“Madame de porta soudain ses mains à ses oreilles et, l’air égaré, s’écria :
-Ciel ! Je n’ai plus mes boucles d’oreilles !
Elles ont dû tomber pendant la valse.
-Non, non vous n’en aviez pas ce soir, lui affirmèrent toutes les personnes qui l’entouraient alors.
-Si, je les avais, je les avais, j’en suis sûre, dit-elle et, cachant toujours ses oreilles dans ses paumes, elle courut à son mari :
-Mes boucles d’oreilles ! Mes deux coeurs ! Je les ai perdus, ils sont tombés !
-Vous ne portiez pas de boucles d’oreilles ce soir, répondit M de (…)”
Le lendemain des articles dans les gazettes du matin commentaient l’incident de la veille en laissant entendre qu’il s’agissait d’un vol et le bijoutier s’éveilla dans la position désagréable de ne pouvoir divulguer publiquement le secret qui faisait de lui l’honnête détenteur d’un bijou que l’on disait volé. Au bout d’une heure de réflexion il plaça les boucles d’oreilles dans un écrin et s’annonça chez M. de (…)
“Vous comprendrez mon embarras quand j’ai lu ce matin, dans les gazettes qu’on soupçonnait ce bijou d’avoir été volé”.
Bien qu’il fût triste d’apprendre que sa femme lui mentait depuis longtemps, qu’elle lui cachait des dettes et faisait ainsi du tort à son crédit et à sa réputation (…) M. de ne montra rien des sentiments qui l’occupaient et remercia le bijoutier d’être venu ce soir.(…) Après quoi M. de racheta les boucles d’oreilles. (…)”
“M. de avait une maitresse, une belle Espagnole qu’il commençait à désaimer et qui partait le jour même pour l’Amérique du Sud et puisque en vendant ses coeurs de diamant Mme de venait de lui prouver qu’elle n’y tenait guère, il trouva opportun d’en faire cadeau à cette belle maîtresse comme pour la remercier de s’en aller avant de l’avoir contraint aux ennuis d’une rupture. La façon dont elle accepta ce cadeau flatta la vanité de M. de (…)”
“A quelque temps de là, la belle Espagnole débarquait en Amérique du Sud. (…) La solitude, dans une grande ville lui prêta des langueurs d’amoureuse, elle se mit à aimer le souvenir d’un homme qu’elle n’avait pas aimé et le soir, d’une main dolente, jetait sur les tables de jeu les louis d’or qu’il lui avait donnés. (…) La belle Espagnole chercha la chance de table en table (…) afin de pouvoir continuer sa poursuite se vit contrainte de vendre les boucles d’oreilles qu’elle tenait de M. de .”
“Les coeurs en diamants ne brillèrent qu’une heure à peine à la devanture d’un orfèvre de cette ville. Un riche diplomate d’Europe, qui venait d’être nommé ambassadeur dans un pays voisin de sa patrie, les acheta pour leur beauté et s’embarqua le lendemain. C’était un homme que des raisons de famille, d’esprit et de fortune mettaient en évidence. Il rejoignit son poste avec beaucoup d’éclat et au premier dîner que l’un de ses collègues offrit en son honneur, il se trouva placé à côté de Mme de .”
Il l’admira, il ne s’ennuya pas, elle savait émouvoir, il s’éprit d’elle et le montra. Mme de n’était pas insensible; elle ressentait violemment le plaisir de plaire, elle aimait à prolonger ce plaisir jusqu’aux limites de l’impatience et l’ambassadeur, dès ce premier soir , lui en donna l’occasion et toucha sa vanité. (…)
Mme de recevait tous les matins un petit billet de l’ambassadeur, tous les jours à la fin de l’après-midi il s’annonçait chez elle et, bien qu’elle fit grand cas de ces marques d’attention, elle n’en resta pas moins un certain temps dans l’ignorence des sentiments qu’elle éprouvait pour lui. (…)
Tout en parlant, il avait tiré de sa poche un écrin qu’il ouvrit :
“voyez ces deux coeurs, continua-t-il, ce sont les nôtres. Gardez-les, cachez-le, confondez-les surtout et sachez que je suis heureux de vous donner un bijou que vous ne pourrez porter que lorsque nous serons seuls. Mme de ne put croire à ce qu’elle regardait, elle en perdit un moment la parole et toutes sortes de pensées lui traversèrent l’esprit. “Oh ! ce n’est pas possible, dit-elle enfin, oh ce n’est pas possible. (…) Puis elle se leva, courut à un miroir et approcha de ses oreilles les diamants. (…) “
L’histoire des boucles d’oreilles de Mme de ne s’arrête pas là. Le premier mensonge de Mme de en entraine un second puis un troisième. Les boucles d’oreilles en diamant continueront leur valse que je vous laisse poursuivre dans le livre de Louise de Vilmorin. De coeur en coeur, de désir en convoitise, il y a plusieurs vies d’aventure dans les bijoux d’exceptions.