Le souffle retrouvé de l’Art déco au MAD

Raymond Delamarre
(1890-1986)
Médaillon Persée et Andromède 1926-1929
Plâtre argenté, modèle
réalisé d’après les
bas‑reliefs du hall d’entrée du pavillon de la Société des artistes décorateurs Une ambassade française à l’Exposition internationale de Paris,
1925
© Les Arts Décoratifs /
Christophe Dellière
Cent ans après avoir illuminé le monde, l’Art déco retrouve son éclat au musée des Arts décoratifs. L’exposition « 1925-2025. Cent ans d’Art déco », présentée jusqu’au 26 avril 2026, propose bien plus qu’un hommage : une traversée du siècle qui interroge le rapport de la modernité à la beauté, du luxe à la création.
Sous la grande nef du MAD, la rigueur géométrique des formes côtoie les fastes de la matière. Plus de 1 200 œuvres, issues des collections du musée et de prêts prestigieux, rappellent que ce style, né dans les années 1910, fut d’abord un manifeste pour une élégance nouvelle. Mobilier sculptural, bijoux, affiches, objets de mode : chaque pièce raconte un moment d’équilibre entre ordre et mouvement, ornement et structure.
Les chefs-d’œuvre d’André Groult, Jacques-Émile Ruhlmann ou Pierre Chareau dialoguent avec les audaces contemporaines d’un Orient Express réinventé par Maxime d’Angeac, installé dans la nef comme un trait d’union entre les siècles. La scénographie, sobre et précise, fait se répondre galuchat et acier, laques de Jean Dunand et verreries de François Décorchemont, robes de Madeleine Vionnet et dessins de Sonia Delaunay.
Mais l’un des fils les plus subtils de cette exposition demeure celui des bijoux. L’Art déco, on l’oublie parfois, a trouvé dans la joaillerie un terrain d’expérimentation aussi exigeant que raffiné. Les créateurs de l’époque, fascinés par la géométrie et la lumière, transposaient dans le minuscule ce que les architectes rêvaient à grande échelle : l’harmonie entre structure et éclat.
Cartier, partenaire majeur de l’exposition, en offre la démonstration la plus éloquente. Ses colliers, bracelets et nécessaires des années 1920 incarnent cette modernité précieuse où le rubis dialogue avec l’onyx, le diamant avec le corail. Ces compositions, d’un équilibre parfait, témoignent d’un regard neuf sur la parure : non plus simple ornement, mais architecture du corps, bijou pensé comme espace.
À leurs côtés, un devant de corsage exceptionnel signé Boucheron, réalisé pour l’Exposition internationale des Arts décoratifs de 1925, attire les regards. Lapis, corail, jade et diamants s’y répondent sur une monture d’or, synthèse éblouissante du raffinement et de l’audace de cette époque. Véritable manifeste joaillier, il incarne à lui seul la fusion entre exotisme, géométrie et virtuosité technique propre à l’Art déco.

Cartier Broche
Paris, commande de 1924
Platine, diamants, perle
goutte de culture, cristal
de roche, onyx
© Collection Cartier /
Autour de ces pièces emblématiques, d’autres créateurs Raymond Templier, Jean Desprès, ou encore Gérard Sandoz, rappellent combien la joaillerie fut un laboratoire du style Art déco. Lignes tendues, rythmes brisés, reflets métalliques : chaque bijou devient le fragment d’un monde en mouvement, miroir d’une époque où la vitesse, la technique et la liberté se mêlaient au goût du rare.
Le MAD, fidèle à son histoire, se souvient qu’il fut le témoin des premiers salons de la Société des Artistes décorateurs. En revisitant sa propre mémoire, il démontre que l’Art déco n’est pas un style figé mais un langage toujours vivant, celui d’un certain art de vivre à la française.
L’exposition, enfin, dépasse la nostalgie. En évoquant les dialogues entre hier et aujourd’hui, des pavillons de 1925 aux créations du XXIᵉ siècle, elle pose une question discrète : la modernité est-elle un moment ou une attitude ?
À travers ces lignes épurées, ces matières précieuses et ces bijoux ciselés comme des manifestes, le visiteur découvre peut-être que l’Art déco n’appartient pas seulement au passé, mais à l’avenir de notre regard.
Visuel mis en avant © Les Arts Décoratifs / Christophe Dellière
